Cher Marcus,


Comment vous portez-vous ? Ainsi que vos deux frères ? L’Italie était-elle toujours aussi belle et bondées de succulents humains, bien gardés entre vos puissantes mains ?

Dans ma précédente lettre, je vous faisais part des récents événements en Europe de l’Est. Les deux vampires que vous m’aviez préconisé de surveiller se sont révélés être un danger pour notre clan. J’ai découvert que le mâle avait la faculté de faire obéir n’importe quelle personne à ses ordres, du moment qu’il la regardait dans les yeux. Je l’ai observé pendant une semaine, surveillant le moindre de ses faits et gestes. Lui et sa femelle ne semblaient pas se douter de ma présence. Jusqu’au jour où ils m’ont rendus eux-mêmes visite. J’ai alors compris qu’ils n’étaient pas seuls. Quelqu’un tenait les fils de ces deux marionnettes, discret, subtil, rusé. J’ai malgré tout tenté de les convaincre de les rallier à votre clan. Seulement, ils ont refusé. Ils n’étaient donc d’aucune utilité. Et si quelqu’un les menait à la baguette, j’ai pensé qu’il était préférable de ne pas laisser un groupe se former. Sans attendre plus tard que la nuit, je les ai exécutés, rapidement (bien que j’aurais voulu pouvoir profiter d’un instant si délicieux) et sans faire de bruit. Quel qu’était leur maître, ce n’était pas un faible. A peine quatre jours après, j’ai reçu la visite de deux autres vampires. Inutile de préciser que c’était loin d’être une visite de courtoisie. Néanmoins, ce n’était qu’un jeu d’enfant pour moi de les éliminer. La personne qui les dirige a surement aussi du les transformer. « Elle » prend beaucoup de précaution. Ceux qu’Elle envoit ne sont des hommes sans la moindre importance. Je dirais plus que ce sont ses hommes de mains. Elle devait se douter que j’allais les tuer sans difficulté puisque je n’ai fait qu’une bouchée des deux autres. Mais je crois que cette personne ne s’attendait pas à ce que le mâle et sa femelle au départ soient découverts. Elle n’aurait pas risqué de perdre un vampire à pouvoir.
Je fais des recherches en ce moment sur ces quatre personnes qu’Elle m’a envoyées. Je vous en dirais plus dans un autre courrier. Pour le moment, hormis ces récents événements, l’Europe de l’Est reste assez tranquille. Seuls quelques jeunes vampires ont été trouvés en Pologne. Je me suis fait un magnifique plaisir à détruire leur chair de glace.


Je vous souhaite une merveilleuse éternité, Très Cher Maître.

La lettre, magnifiquement calligraphiée, m’arriva sur un plateau d’argent… Je m’empressai d’en lire le contenu en devinant à l’écriture qu’elle venait directement de Transylvanie et je savais par expérience que le Comte Dracula ne correspondait avec Volterra qu’en cas d’absolue nécessité et non par courtoisie. Ses lignes ne m’inquiétèrent pas outre mesure, mais je m’installai cependant à mon bureau pour lui faire parvenir une réponse rapidement.

Mon très cher comte,

La vie à Volterra s’écoule aussi lentement qu’ordinaire suivant le rythme des saisons aussi monotone les unes que les autres. Bien entendu, gouverner sur les vampires de ce monde apporte son lot d’intrigues et de punitions qui permettent d’agrémenter le quotidien si peut captivant… Aro et Caïus s’attèlent à ce rôle avec autant d’entrain que vous leur connaissez, pour ma part je ne suis qu’un spectateur lassé de la scène qui se joue devant mes yeux. Votre lettre est donc une distraction des plus intéressantes.

Nous nous doutions bien que ces deux vampires étaient suspectent et vous avez particulièrement bien agit en les éliminant. Il ne nous faut prendre aucun risque pour garantir la sécurité de notre secret et de notre clan. J’imagine parfaitement bien que vous ayez pu les éliminer sans difficultés, votre don est des plus puissant ! Cependant il est un peu inquiétant de savoir qu’ils n’étaient pas seuls… Une attaque n’est jamais à prendre à la légère aussi insignifiante soit elle. Pensez vous que ce soit un vampire de notre connaissance qui tire ainsi les ficelles ? Vous dites « elle » prend beaucoup de précaution, comment s’avez-vous qu’il s’agit d’une femme ? Quels indices avez-vous dont vous ne m’avez pas encore parlé ?

J’attends votre prochaine lettre avec impatience pour que vous puissiez m’éclairer sur ces différents points !

Continuez vos recherches avec prudence, il me serait très désagréable d’apprendre votre perte.

Bien à vous,

Marcus

Je n'eus pas à attendre longtemps pour recevoir une lettre portant le seau des Volturi. Trois jours tout au plus avait suffit à la missive pour traverser l'Europe et me revenir en main propre. Je ne doutais pas que mon Maître était impatient d'avoir des nouvelles. M'installant dans la blibliothèque baignée de lumière, j'entrepris de répondre à mon Maître, les mains brillantes sous les rayons du soleil.

Mon Cher Maître,

C'est avec une grande joie que je vous écris ces lignes, porteuse d'un message positif sur notre affaire.
En effet, pas plus tard qu'hier, j'ai surpris des jeunes vampires d'une cinquantaine d'années roder autour de chez moi. Je vous laisse deviner que je leur ai soutiré des informations concernant leur mission et leur maître (j'ai remarqué que nous souffrions beaucoup plus lorsqu'on brulait d'abord la peau des yeux et qu'on hotait ensuite ces derniers de leur orbite). Seulement leur groupe est soudé. Ils ne se laissent pas impressionner facilement. Les quatres jeunes que je détenais semblaient plus craindre le courroux de leur maître que de mourir une nouvelle fois. L'idée d'une pathétique plaisanterie m'avait effleuré l'esprit, et j'ai ici la confirmation que ce n'en est point une. Je sais seulement à présent que leur cible n'est pas seulement moi, mais notre Clan entier. Ils parlaient avec une telle hargne de nous tous, je ne pus m'empêcher de leur donner la leçon qu'ils méritaient. Insulter mes Maîtres est un crime impardonnable.

Alors que j'écrivais ces lignes, une ombre fila au coin de mon œil. Je tournais la tête vers la fenêtre à ma droite, haute et cadrillée de barres de bois, observant silencieusement l'autre côté de la vitre. De hauts arbres, dont les branches penchaient sous les bourrasques, se tenaient majestueusement de l'autre côté. Et, comme l'apparition soudaine d'un fantôme, une silhouète, une femme, se tenait là, perchée sur une branche de pin à la hauteur de la fenêtre. Comme une créature démoniaque aux airs angéliques, elle plongeait son regard dans le mien, impassible, presque triste, ses longs cheveux blonds et ondulés volant au gré du vent, les volutes de sa robe blanche accompagnant la même danse que ces derniers, et, enmelé entre ses doigts, un fin tissu violet viroletait grâcieusement. En moins de cinq secondes... Elle disparu... Laissant derrière elle mon cœur serré qui pourtant était mort depuis longtemps.

Je reportais mon attention sur la lettre adressé au seigneur des vampires, ne sachant plus que écrire. Je terminais donc rapidement la lettre, et envoyais un de mes serviteurs la poster.

Pour répondre à votre question mon Maître, je sais que c'est une femme grâce à de simples éléments : un parfum léger, un morceau de soie mauve et une mèche de cheveux d'ange.

Bien à vous,

Votre serviteur, Dracula.

- Maitre ! Une lettre pour vous…

Le jeune vampire, dont je persistais à ignorer le nom, déposa l’enveloppe sur la table basse et ne s’attarda pas plus longtemps dans mes appartements. Mon attitude, particulièrement inhospitalière, ne devait pas le mettre à l’aise mais je m’en moquais. La solitude m’était plus agréable que la compagnie futile de mes semblables.

La nuit s’installa derrière les rideaux de mes fenêtres pourtant je n’avais toujours pas pris la peine d’ouvrir la lettre… Il me fallait pourtant le faire, Dracula avait répondu rapidement à mon dernier courrier, signe que les choses n’évoluaient pas favorablement en Transylvanie. Ses lignes manuscrites confirmèrent le fond de ma pensée et même si la situation n’avait rien de rassurante, ce qui m’inquiétait le plus était le fait que le comte semblait sous le charme de cette femme…

« Un parfum léger, un morceau de soie mauve et une mèche de cheveux d'ange »

Il semblait séduit, ce qui ne lui ressemblait en aucun cas et je ne pouvais le tolérer. La sécurité de notre clan en dépendait et bien que ma vie m’importait peu, je ne souhaitais pas que mes frères subissent les conséquences de mon inattention.

Je pris donc une feuille de papier vierge et ma plume pour rédiger ma réponse.

« Mon très cher comte !

Votre dernière lettre n’est pas pour me rassurer. L’existence d’un clan, si petit soit il, est un risque que nous ne pouvons tolérer. Bien que mes frères et moi ayons une grande confiance en vous, nous pensons que notre intervention en Transylvanie est inévitable.
Je me déplacerai donc moi-même avec les membres de ma garde pour vous aider à régler rapidement le problème. Nous trouverons ensemble cette femme et mettrons fin à ses sombres agissements.

Le temps de prévenir mes frères, d’organiser le voyage et nous serons dans votre humble château.

Bien cordialement,

Marcus »

Abandonnant ma plume à même le bureau, je me levai et donnai la lettre au vampire que j’avais pris soin d’appeler avant de me rendre dans les appartements d’Aro.

« Le temps de prévenir mes frères, d’organiser le voyage et nous serons dans votre humble château. »

En lisant ses mots, un air de panique s’installa devant mes yeux. Si j’avais eu un cœur, il se serait surement emballé. C’était pourtant à peine si je connaissais cette sensation d’être perdu, de ne plus rien décider ni contrôler. Ce n’était plus dans mes possibilités. Les sentiments sont réservés à ses pauvres humains misérables et insignifiants qui nous servent de nourriture ! Jamais un vampire de mon rang ne s’abaisserait à de pareilles futilités !
Jamais, et pourtant... C’était bien là, dissimuler sous des années de mort, prêt à ressurgir à n’importe quel moment. Mais pourquoi ? Pourquoi cet affolement soudain ? Pourquoi ces humeurs puériles semblaient envelopper la pièce ? Pourquoi ?

Je secouais vivement la tête et m’empressa d’écrire une lettre à mon Maître.

« Cher Maître,

Je vous en prie, ne vous donnez dont point cette peine. J’ai trouvé l’endroit où cet absurde clan se cachait, après plusieurs enquêtes et filatures. Demain, à l’aube, il ne sera plus, et le problème sera réglé.

Ne vous inquiétez pas, cher Maître, je maîtrise entièrement la situation.

Bien à vous,

Votre dévoué serviteur, Dracula »

J’espérais que cela suffirait à convaincre mon Roi… D’habitude, je n’aurais pas eu cette incertitude, mais cette apparition m’avait totalement bouleversé. Peut être étais-je simplement fasciné par elle ? Ou alors, elle l’avait fait exprès. Elle avait sûrement conscience de ses charmes et de l’effet qu’elle pouvait obtenir sur les hommes.

- Oui… C’est bien ça ! C’est forcément ça…

Mon adversaire était donc plus forte que je ne le croyais. Elle avait tout calculé. La venue de ses acolytes, puis la sienne. Tout avait été orchestré pour que l’affaire me semble anodine. En réalité, cette femme avait choisi de sacrifier des siens pour parvenir à ses fins. Mais quelque chose m’échappait encore… Combien était-il ? J’en avais tué quatre d’entre eux. Mais combien en restait-il ? Pour le savoir, je ne pouvais qu’aller à leur rencontre. Et pour y parvenir, je devais trouver l’endroit où ils se cachaient, car même si dans la lettre que j’avais envoyé à Marcus j’avais affirmé que je le savais, en réalité, j’ignorais complètement leur position. Pire : leur but.